Halo 4: Quand le Master Chief reprend du service pour consolider le mythe
Review complète de Halo 4, FPS sci-fi sorti le 6 novembre 2012.
Le début de Halo 3
« Vous avais-je dis, qu’ils m’avaient laissé le choix ? J’ai pu choisir mon Spartan. Vous me connaissez, je n’ai rien laissé au hasard. J’ai suivi de près votre formation. Comme tous les autres, vous étiez fort, rapide et courageux. Un vrai chef. Mais vous aviez quelque chose en plus, que moi seule ai remarqué. Vous avez deviné ? La chance. »
Ces mots, prononcés par l’intelligence artificielle Cortana, font encore écho à quiconque joua à Halo 3 lors de sa sortie en 2007. Tandis que ces propos s’appliquent au Master Chief, le héros de la série FPS, on ne peut pas dire que le succès de la saga Halo soit dû à la chance. Depuis Halo : Combat Evolved il y a maintenant 11 ans, 46 millions de copies se sont vendues des 7 jeux estampillés Halo (dont 3 spin-off et 1 remake). Simple succès commercial, dites-vous ? 12 romans, 9 compilations musicales, 7 comics, une rumeur de film convoité par Peter Jackson ou Steven Spielberg, plusieurs machinimas comme le désormais culte Red vs Blue, et des milliers de fans en mauvais cosplay du Master Chief aux conventions vous prouveront le contraire. Le Master Chief, de par son charisme mystérieux, a tout simplement rejoint le panthéon vidéoludique, où son manque de loquacité le rangera aux côtés de Link, Samus et Gordon Freeman.
#EpicCrossover?
Alors quand Bungie, le studio créateur, a annoncé sa passation de pouvoir à un autre studio, 343 Industries, pour l’établissement d’une nouvelle trilogie, beaucoup de monde s’est crispé. Qu’allait-il advenir de la saga si Halo 4 s’était révélé un désastre total, résultant d’une exploitation commerciale trop poussée ? Cela aurait-il envoyé la licence dans l’ignorance du plus grand nombre comme cela est arrivé à Doom, ou simplement terni son image, comme pour Medal Of Honor ? Rassurez-vous, c’est bien le conditionnel passé qui est employé. Car Halo 4, sorti le 6 novembre 2012, succède bien à Halo Combat : Evolved, Halo 2 et Halo 3 : c’est un franc succès, bien que pour d’autres raisons que ses prédécesseurs.
Le Master Chief a subi quelques liftings au fil des épisodes
Un univers à part entière
Si vous êtes néophyte à la série, et que le mot « Spartan » de l’introduction ne vous évoque rien, sachez que l’univers de Halo est dantesque. Le résumer en seulement quelques lignes pourrait apparaître comme dérisoire. Le scénario de la série est basé sur une guerre au 26ème siècle entre l’UNSC (United Nations Space Command) et les Covenants, alliance théocratique d’aliens. Les Covenants vénèrent une civilisation ancienne et avancée désormais éteinte : les Forerunners. Suite au refus humain d’adopter une telle croyance, les Covenants entrent en guerre contre les humains pour corriger leur hérésie. Face à la suprématie technologique alien, les humains répondent avec la création d’une unité d’élite composée de super-soldats : les Spartans. Cette initiative fut un échec : John-117, alias Master Chief, est le dernier Spartan qui soit en contact avec le commandement humain. La première trilogie ne consiste ni plus ni moins qu’à incarner le Master Chief pour sauver l’humanité de l’annihilation par les Covenants. Les jeux Halo en eux-mêmes, bien qu’édifices principaux de l’univers Halo, n’en racontent pas autant que les romans qui ont bâti un large univers. Le scénario sonne creux sans toute l’histoire qui se déroule en parallèle des jeux, dont le contenu scénaristique est (assez bien) résumé dans cette vidéo en anglais.
Les Covenants ne sont pas des plus amicaux
Halo 4 débute en 2557, soit 4 ans et 4 mois après les évènements de Halo 3. Tandis que les humains le pensaient mort, John-117 est réveillé d’un sommeil cryogénique par Cortana. Cortana est la première intelligence artificielle créée sur une base organique ; elle tient un rôle mi-maternel mi-conjugal auprès du Master Chief (complexe d’Œdipe, bonjour !). Si le réveil a lieu, c’est que le vaisseau abandonné à la dérive dans lequel John faisait sa cryo-sieste depuis la fin de Halo 3 s’est écrasé sur une planète Forerunner, alors que la race est supposée éteinte. Et ils ne sont pas contents que les humains viennent remettre en cause le fait que la moitié de la galaxie les déifie (qui ne réagirait pas ainsi ?).
Dans cet opus, il faudra se défaire des terribles chevaliers Prométhéens
Pour compléter le tableau des bonnes nouvelles, Cortana sombre dans une démence due à son âge de 7 ans, avancé pour une intelligence artificielle. Le scénario du jeu se base donc à la fois sur la relation Master Chief – Cortana et sur la croyance Forerunner. Le jeu tient toutes ses promesses en termes de scénario, qui fait avancer la trame de manière plus mature que n’importe quel autre opus. Les fans s’en réjouiront ; les néophytes auront bien du mal à s’y retrouver, ce qui est fort dommage.
Le mode coopératif Spartan Ops relate des évènements légèrement antérieurs à Halo 4, complétant la trame scénaristique. A noter également que les « terminaux », sorte de bases de données secrètes à dénicher dans chaque niveau, détiennent des informations capitales pour la compréhension du scénario. Il est à déplorer que si le joueur ne les trouve pas, il lui manquera des pièces du puzzle. De plus, la vision de ces éléments explicatifs se fait via Halo Waypoint, la plateforme sociale du jeu, ce qui coupe grandement l’immersion. Outrepassant ces quelques défauts, Halo 4 explore un pan inconnu de son univers massif avec une créativité impressionnante.
Master Chief et sa précieuse intelligence artificielle, Cortana, sont au centre du scénario
Une esthétique servie par des graphismes époustouflants et une bande-son magistrale
Casque vissé sur les oreilles, on ne peut que saluer le travail des ingénieurs du son. Les bruitages sont tous nouveaux, beaucoup plus réalistes que dans les précédents opus. On est surpris par l’étonnante gravité du bruit que produit par exemple le DMR, fusil humain au coup par coup. On pourrait comprendre que les habitués de la série soient un peu désappointés par ce parti pris réaliste. Toutefois, on s’y habitue facilement et les bruitages deviennent vite artisans majeurs de l’immersion.
Pour reprendre les noms des deux plus durs niveaux de difficulté du jeu, la musique de Halo 4 a malheureusement rétrogradé de « Légendaire » à « Héroïque ». En effet, avec le changement de développeur a eu lieu un changement de compositeur : Martin O’Donnell, directeur audio de Bungie, avait composé pour Halo des musiques épiques qui avaient transcendé la campagne solo des précédents épisodes. Parmi tant d’autres, la plus mémorable est sans doute le thème rock de Halo 3.
Neil Davidge de 343 Industries a donc pris les commandes d’un poste que l’on savait difficilement égalable. Le résultat reste tout de même très bon, avec des musiques là aussi plus sombres et par conséquent peut-être moins épiques. L’humanité du Master Chief est un thème récurrent de Halo 4 ; aussi l’ambiance musicale se doit de perdre de sa sublime pour conforter le rétrogradage du protagoniste de super-soldat invincible à humain doué d’émotions.
Neil Davidge, compositeur pour Halo 4, a conféré une ambiance plus sombre aux musiques du jeu
Cependant, tout au long de la campagne solo, les bruitages, aussi plaisants soient-ils, ont tendance à couvrir l’ambiance musicale de manière trop abrupte. On conseillera donc de jouer en baissant légèrement les bruitages dans les options. Mais là n’est pas le plus gros défaut de cette partie sonore. Il s’agit d’un point qui déçoit fortement : le disque français du jeu ne contient que les voix… en Français ! Elles sont de moyenne facture, parfois désynchronisées au niveau labial, parfois hasardeuses quant aux formulations. Lorsque l’on a pris pour habitude d’entendre les excellentes prestations de Steve Downes (Master Chief) et Jen Taylor (Cortana) depuis plus de dix ans, on est franchement déçu. Surtout que l’on paie le jeu 70€ pour s’entendre dire, à l’heure du dématérialisé, que la raison d’un tel sacrifice est qu’il n’y a pas assez de place sur la galette pour les voix en anglais (!). Il s’agit d’un gros point noir du jeu.
Les excellentes voix originales du jeu, dont celle de Steve Downes (a.k.a. Master Chief), ne sont pas présentes sur la version française de Halo 4. Grosse déception.
Après l’auditif, le visuel. Et là, les superlatifs manquent. A rappeler que Halo 4 est une exclusivité xBox 360, hardware sorti il y a maintenant 7 ans. Voir des graphismes en 1080p dignes des PC les plus récents sur la bonne vieille xBox tient presque du miracle. Jamais un jeu n’avait été aussi beau sur console depuis Battlefield 3 et ses gigaoctets de textures HD à télécharger. Les cinématiques peuvent prétendre à être les plus belles jamais obtenues sur console. Il est difficile de vous montrer les plus magistrales compte tenu de leur contenu de spoil, voici donc la toute première cinématique du jeu, détaillant la création des Spartans (à regarder en 720p).
Mention spéciale pour les visages des protagonistes, dont la finesse extrême est non sans rappeler le titre de Rockstar, L.A. Noire. En jeu, les textures sont détaillées et les effets de lumière saisissants. Le gigantisme des environnements en laissera rêveur plus d’un. Sur certains plans du jeu, on a l’impression d’évoluer dans de véritables artworks.
Halo 4 peut être joué comme une expérience artistique dans le monde sci-fi.
Grosse claque graphique dans les environnements jouables, réitérée tout au long du jeu
Ce qui nous amène à l’ambiance. Elle est irréprochable. Servi par de tels niveaux sonore et graphique, Halo 4 nous emporte dans son univers aussi vite que le Master Chief détruit un Halo. Les références implicites aux monuments de la sci-fi sont là : Aliens, Star Wars, Metroid, Tron, etc. Les Covenants sont plus hideux que jamais, et les massacrer par la centaine n’a jamais été aussi bon. Toutefois, c’est le design Forerunner qui prédomine tout au long du jeu. Leur architecture est bien pensée, au design épuré. Le design des Forerunners eux-mêmes est génial ; et les voir se désintégrer quand ils passent de vie à trépas est un régal pour les yeux. On vit l’aventure au travers des yeux du charismatique Master Chief, et cela fait de Halo 4 un FPS immersif.
L’architecture Forerunner est un régal pour les yeux
Gameplay : Un multi frôlant la perfection, un solo « seulement » bon
Ce qui fit les lettres de noblesse de Halo premier du nom fut la qualité de son gameplay, inégalée pour un FPS console. La nouvelle mouture n’échappe pas à la règle, hormis sur quelques points. Commençons par le plus désagréable, puisqu’il s’agit d’une tare trop récurrente chez les FPS modernes, et que Halo nous avait habitué à mieux. 5h45. C’est le temps, dans la deuxième difficulté la plus dure (Héroïque), mis pour boucler la campagne de 8 missions en coopération à deux. En la savourant. Après 5 ans de disette de Master Chief, il y a de quoi se sentir un peu délaissé par 343 Industries : c’est tout simplement trop court. Surtout que quelques missions (la 2 et la 7 en particulier) tendent à être allongées artificiellement par des phases d’activation de boutons rébarbatives.
Cependant, cette faible durée de vie du solo ne vient pas de la difficulté. Au plus grand bonheur des hardcore gamers, la difficulté a été revue à la hausse pour les deux niveaux de difficulté les plus durs. Finir la campagne en solo en mode légendaire, qui vaut son pesant de gamerscore Xbox Live (90), est une épreuve des plus ardues.
Et si vous n’êtes toujours pas rassasiés dans votre masochisme, les traditionnels « crânes », sortes d’options à activer ayant un impact sur la difficulté, sont de la partie. Le crâne « Fer » par exemple est des plus torturés, avec en solo l’effroyable conséquence de recommencer la mission depuis le début si l’on meurt. Pour les nouveaux venus sur Halo, oubliez le mode « Facile », où les Covenants ne semblent pas vraiment disposés à vous stopper. Préférez le mode « Normal », qui offrira un challenge adapté. Avec toutes ces différentes possibilités, la rejouabilité de la campagne est bonne.
Les crânes de Halo 4 rajoutent une difficulté extrême bienvenue à la campagne
Le mode Spartan Ops rallonge encore un peu la durée de vie du titre, avec 5 missions annexes où l’on incarne en coopération à 4 des Spartans lambdas dans des évènement parallèles à ceux de la campagne. Les cinématiques sont sympathiques ; les missions sont moyennes, sans plus. En revanche, elles sont proposées gratuitement. Cela peut paraître normal, mais la norme semble peu à peu glisser chez d’autres licences vers le redoutable « DLC day one », où l’on doit sortir son portefeuille dès le premier jour pour accéder au jeu complet…
Plonger dans l’intimité d’autres Spartans dans le mode Spartan Ops est une nouveauté agréable
Pour ces deux modes de jeu combinés, on parle en dizaines d’heures de jeu. Passons au mode multijoueur, où Halo en fut le fleuron dès Halo 2. Ici, on parle en centaines d’heures de jeu… et quelle joie ! Les maps sont un trésor de level-design. Qu’elles soient grandes ou petites, symétriques ou asymétriques, supportant des véhicules ou non, elles sont équilibrées et agréables à jouer. L’essence du multi de Halo est le triptyque Armes/Grenades/Corps-à-corps.
La carte la plus adulée de Halo 3, Valhalla, fait un retour fracassant dans Halo 4 sous le nom de Ragnarok.
L’armurerie est composée d’une vingtaine d’armes différentes, divisée en trois manufacturiers : Humains, Covenants et Forerunner. Là encore le principe d’équilibre est respecté, avec des armes adaptées à des situations différentes et aucune « cheatée ». On peut tout de même regretter une certaine superposition des fonctions des armes humaines et Forerunners.
Le scattershot est une arme Forerunner qui s’apparente au fusil à pompe humain. Un plaisir à jouer.
Pour ce qui est des grenades, il y en aussi de 3 types : humaines, Covenants (qui « collent ») et Forerunners (dégâts de zone continus). Il est dommage que la surbrillance subtile des grenades ait été abandonnée ; 343 Industries lui a préféré un indicateur de grenade, surchargeant l’écran d’une manière un peu superflue. Le corps-à-corps est toujours aussi efficace, et déclencher les animations d’assassinat (corps-à-corps dans le dos) est un vrai plaisir. Pour ce qui est des véhicules, ils ont subi quelques petits réajustements bienvenus, les rééquilibrant. A noter l’apparition de la Mantis, sorte d’exosquelette géant. Elle dispose d’une puissance de feu impressionnante, mais d’une faible mobilité. Les véhicules sont définitivement au centre du gameplay, surtout sur les grandes maps où ils permettent d’enchaîner les frags à une vitesse déconcertante.
La Mantis, qui ressemble étrangement à l’exosquelette d’Avatar de James Cameron, est un véhicule très létal
Enfin, l’apparition des « loadouts », avec des « armor abilities » et des « « perks », n’a (heureusement) pas « Call of Dutysé » (expression atroce mais nécessaire) le gameplay. Tout comme l’arrivée des requêtes, qui récompensent les enchaînements aisés de points. Ces dernières changent peu le gameplay, et toujours de façon équilibrée. Au final, le jeu en multi est un vrai défouloir où le cri orgasmique des « KILLAPOCALYPSE » et autres « EXTERMINATION » rythment les parties de manière grisante.
Le Hardlight Shield est une Armor Ability qui encaissera avec facilité l’impact
Halo 4 fera certainement débat. Comme tout nouvel opus dans une saga à succès, des voix s’élèveront sûrement contre sa casualisation, notamment avec les éléments controversés ajoutés au gameplay (loadout, perks, requêtes, etc). Le scénario du solo décevra peut-être quelques fans inconditionnels.
A ces véhémentes critiques, il faut répondre en prenant du recul. Les concurrents directs de Halo 4 en cette fin d’année seront Medal of Honor : Warfighter et Call of Duty : Black Ops II. Face à ces FPS militaires réchauffés, Halo 4 apporte un vent de fraîcheur. Avec un univers travaillé servis par des graphismes et un audio à couper le souffle, un multi bien huilé et récompensant tous les types de joueurs, ainsi qu’une campagne de grande qualité (bien qu’un peu courte), il sera définitivement un candidat sérieux au « GOTY », titre convoité de meilleur jeu de l’année. Halo 4 a un effet secondaire sur ceux qui y jouent des plus étonnants ; il donne envie de jouer… à Halo 5 ! Cela s’explique par le caractère introductif à la trilogie de sa campagne et par le fait que ce jeu sortira sur la console de Microsoft de la prochaine génération. En attendant, vous ne serez pas prêt de lâcher la manette d’ici là.
Notation
|
http://www.insideelectronicpipo.com/stockage/fondtableau.jpg