The Binding of Isaac : du sang, des larmes, du pot

Un jeu qui mélange Satan, les trollfaces et des lasers ? Et qui est intelligent en plus ? Ça existe, c’est moins cher qu’un Big Mac, c’est The Binding Of Isaac !

Isaac est un petit garçon comme les autres : il aime dessiner, imaginer des histoires et jouer à sa Nintendo “Gamekid”. Il a juste un tout petit problème : depuis qu’elle a entendu la voix de Dieu, sa mère s’est piquée de l’idée pour le moins saugrenue de le sacrifier pour le laver du pêché dont il est certainement souillé. Notre charmant bambin plonge alors dans une trappe cachée sous son tapis, et c’est lorsqu’il se réveille dans sa cave que nous sommes invités à prendre son contrôle.
Bienvenue dans un monde où l’enfantin côtoie le gore et le difforme, où la mort se tapit dans chaque nouvelle salle et où seuls votre talent, votre patience, et aussi votre chance vous permettront d’espérer survivre. Bienvenue dans The Binding Of Isaac.

Un mix de genres réussi

Le développeur Edmund McMillen a acquis une certaine notoriété sur la scène indépendante grâce à Super Meat Boy, un jeu de plate-formes hyper nerveux demandant une patience de saint et des réflexes de ninja pour être maîtrisé. Si celui ci s’inspirait clairement de Super Mario Bros (dont il partage les initiales), le sujet de ce test rappelle d’avantage un autre classique au premier coup d’œil : la vue est située au-dessus du personnage, on ramasse des bombes, des clés qui ouvrent des portes et des coffres contenant des trésors que l’on brandit fièrement au dessus de sa petite tête…

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Le Saint Graal, un bonus parmi tant d’autres…

Vous aurez probablement reconnu un hommage appuyé aux anciens Zelda. Sur le plan du gameplay, il en est pourtant tout autrement. Notre innocente victime rose n’a littéralement plus que ses yeux pour pleurer, et ses larmes constituent donc l’arme de base contre les locataires fort peu amicaux de ces lieux. On peut les projeter dans quatre directions différentes avec le pavé directionnel, et on se déplace avec les sempiternelles touches ZQSD. Les ennemis ne sont pas non plus avares en projectiles en tous genres, et il n’est pas rare de voir notre écran se remplir de boulettes, ce qui rapproche le jeu d’un shooter autant que d’un dungeon-crawler.

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Oui, c’est trash… Et encore ce n’est que le début !

Action et exploration sont donc les deux bases de la progression, mais un troisième élément farceur vient faire tout le piment de chaque session, et c’est bien entendu la part de hasard présente dans chaque partie.

Dieu est parfois cruel

Le principe de base est simple. Il faut “juste” progresser en traversant des salles remplies de monstres à abattre jusqu’à atteindre le boss de l’étage, qui nous permet, une fois vaincu, de nous enfoncer plus profondément dans la cave.Retour ligne automatique
Seulement voilà, la mort finit (rapidement) par arriver, et là, c’est le drame : on est ramené au début, et la nouvelle partie réorganise la disposition des monstres, des objets et des niveaux, tout est à refaire en partant de zéro ! C’est là le coup de génie de The Binding of Isaac, car il est alors strictement impossible de rencontrer deux fois le même enchaînement de situations.

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Est-ce la fin de l’aventure, ou juste un nouveau commencement ? À vous de décider !

Ces variations rendent l’expérience extrêmement riche, d’autant que les équipements amassés au fil des couloirs sont très divers, puisqu’ils vont de la sainte Bible aux champignons magiques en passant par des canettes de lard. Mais surtout, ils altèrent radicalement la manière d’aborder chaque situation. Un personnage capable de voler pourra ignorer les pics et les fossés, disposer d’un stock infini de bombes fait de notre avatar un Bomberman en puissance, avoir plus de chance nous poussera à dépenser notre argent au casino…

Plus que tout, c’est l’équilibre que le jeu parvient à conserver qui force le respect. Il n’y a presque aucun pouvoir surpuissant, et tout avantage présente un inconvénient que l’on repère bien souvent à ses dépens. De plus, Isaac s’habille au fur et à mesure avec tout ce qu’il ramasse, changeant ainsi totalement d’apparence à chaque niveau. Il devient vite grotesque ou effrayant… voire les deux à la fois !

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Oui, vous êtes bien le truc cornu au milieu !

C’est donc avant tout la capacité du joueur à faire sans cesse face à des situation inattendues et à la frustration qui est mise à l’épreuve (quoi de pire que de se trouver en face d’un coffre sans aucune clé pour l’ouvrir ?). Que l’on joue pour la première où la centième fois, la difficulté n’est jamais absente, mais en contrepartie le plaisir de la découverte reste également intact.

Qui veut éviscérer mon fils ?

Qui aurait cru qu’une cave puisse contenir autant d’immondices ? Bien que sa violence soit atténuée par des graphismes cartoon, l’ambiance demeure profondément malsaine. Les habitants du donjon ont des looks qui oscillent entre le perturbant et le franchement dégueulasse, la bande son est oppressante et torturée (la musique du tout premier monde vous hantera longtemps après avoir éteint votre machine) et le sadisme des pièges tendus vous persuadera que le dieu du hasard veut votre mort. Quant à l’histoire, elle nous est contée principalement à travers de subtils indices dans les noms, le design, le rôle des objets, des ennemis et pas moins de 9 (très brèves) fins successives ! Cela ravira les plus avides d’interprétations fumeuses, tant l’histoire est à la fois riche en possibilités et intelligemment suggérée. Il y a en effet un véritable foisonnement de symboliques religieuse, vidéo-ludique, ou juste incongrues que chacun est libre d’interpréter comme un pur délire ou comme un ensemble de références destinées à l’œil de l’expert.

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Oserez-vous pactiser avec Satan lui-même ?

Verdict

Si tous ces arguments n’ont pas suffi à vous faire dépenser les 5 malheureux euros que le jeu vous coûtera, j’en ai d’autres en réserve. Il faut noter la présence de cinq personnages jouables à débloquer, chacun ayant son style de jeu, mais aussi l’ajout, à chaque fois que vous finissez le jeu, de nouveaux items, types d’ennemis voire de mondes tout entiers. The Binding Of Isaac est un véritable bijou. Idéal pour de courtes sessions sporadiques (il est possible d’en voir le bout en une heure environ) comme pour de looongues nuit d’hiver (en cédant à la célèbre tentation du “juste une autre partie”), il doit figurer dans la ludothèque de tout joueur avide de surprises et d’aventure, avec tout de même un petit penchant masochiste.

Un mot sur le DLC “Wrath of the Lamb” et l’avenir de la série

Proposée à 3 euros, cette extension est le modèle même de ce que devrait être un contenu téléchargeable : un nouveau héros à incarner, des chemins alternatifs, plus d’objets, de monstres, de boss, de pièges, de niveaux, de fins… bref, plus de TOUT ! Si vous êtes déjà tombé(e) sous le charme de l’original, vous n’avez aucune raison de ne pas vous ruer sur ce gargantuesque ajout de contenu.

Si vous faites vos premiers pas cependant, prenez garde : Wrath of the Lamb augmente globalement la difficulté, en ajoutant encore plus de mécaniques de jeu à analyser et comprendre par soi-même pour espérer survivre. Si les joueurs aguerris apprécieront de redécouvrir ce qu’ils tenaient pour acquis, je conseille aux débutants de finir d’abord la version simple avant d’envisager l’achat de cette extension.

Enfin, terminons sur l’unique vrai défaut du jeu : le fait qu’il soit programmé en Flash le fait parfois ramer sans aucune raison, et ce sur tout type de PC, ce qui peut rapidement frustrer le joueur. Binding Of Isaac Rebirth, une version entièrement recodée et encore améliorée est prévue pour cette fin d’année, et j’espère pouvoir bientôt vous en dire plus !