Petite réflexion sur le téléchargement illégal et Hadopi
Le téléchargement illégal, un fléau ! Nous avons tous entendu parler, de près ou de loin, de la loi Hadopi, établie dans le but de mettre un frein au téléchargement illégal via un système efficace de sanction. Mais le but recherché est-il aussi légitime que le fait croire l’intuition ?Le gouvernement a déclaré depuis un certain temps la guerre au téléchargement illégal. Au delà du schéma réducteur “Pas d’achat de CD = pas d’artistes” décrié par les autorités, nous souhaitons mener une enquête plus approfondie.
Hadopi, Hadopi 2… le difficile passage de la loi
En 2007 Christine Albanel, alors ministre de la culture et de la communication, chargeait le PDG de la FNAC, Denis Olivennes, de rédiger un rapport sur le téléchargement illégal. Ce dernier exposait un mois plus tard ses solutions. Le preux chevalier de la République, juste et objectif du fait de son absence totale d’intérêt dans l’affaire, n’avait pas chômé. Sa solution miracle consistait en la création d’une autorité de contrôle au pouvoir répressif : Hadopi était née. Sur le papier du moins.
Lagarde, Albanel et Olivennes au ministère de la culture annonçant la mission à un parterre de journalistes. Un bien drôle de trio.
La création effective de l’autorité allait en effet être plus compliquée, pour la bonne et simple raison que le texte de loi adapté de l’accord Olivennes était anticonstitutionnel. Il violait les libertés individuelles en permettant à un tiers d’avoir accès aux données individuelles des surfeurs, au nom du sacro-saint contrôle. De même la présomption d’innocence n’était pas respectée et les internautes condamnés ne pouvaient contester qu’après sanction.
Quelques rafistolages et belles perles à l’assemblée plus tard *Mme Albanel, véritable experte en la matière, parlait de “pare-feu OpenOffice” et de “liste blanche wifi”. Soit de choses qui n’existent pas, openoffice étant une suite bureautique contenant des équivalents de Word, Excel… , le texte était adopté puis complété par Hadopi 2. La combine consistait à dire que si l’internaute ne voulait pas avoir de problèmes avec la justice, il devait installer un logiciel espion payant et non inter-opérable sur son ordinateur pour que ses activités puissent être vérifiées en cas de doute.
Le téléchargement illégal est-il réellement un fléau ?
Outre son caractère peu respectueux des libertés fondamentales reste une interrogation, qui aurait dû, nous semble-t-il, être au coeur des débats concernant cette loi. La véritable question à propos d’Hadopi est de savoir si le téléchargement illégal porte réellement atteinte à la production artistique du pays ou non. Pas même débattu à l’assemblée, c’est pourtant sous cet angle que les spots télévisés présentent la mesure: le téléchargement est sensé impacter négativement la production culturelle des français. Cette habitude est responsable d’un déclin. A cause des internautes, des artistes potentiels ne se réalisent pas. C’est la justification rationnelle de cette loi.
La propagande télévisée hadopi: une grosse blague
http://www.youtube.com/watch?v=3WfdBQhGBgU
**Protéger les artistes ?
Quel est le raisonnement proposé par le gouvernement? Si les consommateurs de musique et films délaissent cd et dvd, ce sont les ressources des artistes/producteurs qui vont se tarir et leur nombre va se réduire comme une peau de chagrin. C’est vrai, après tout, si on télécharge on n’achète pas. Et sans moyens on ne peut créer. Les chiffres sont clairs : avec un déclin de 10% par an en moyenne pour les ventes de CD, Olivennes a des raisons d’en vouloir aux “pirates”. Néanmoins, si on regarde où vont les 20€ outrageux d’un CD (0.50€ pour les fabriquer et c’est un bien non-rival et immatériel…), on se rend compte que ce n’est pas grâce à nos achats à la FNAC que les musiciens vivent. Le pactole va à ceux qui ne créent rien.
Voilà qui est parlant.
De plus, devinez qui récolte les adresses IP des fraudeurs pour les envoyer à la commission Hadopi? Des sociétés privées payées par les ayant-droits. Or nous doutons que les petits artistes, déjà affamés par les méchants internautes qui téléchargent, puissent se permettre cette folie.
Donc in fine Hadopi sert à protéger ceux qui ne créent rien. Internet devrait au contraire permettre aux artistes de récupérer leur part du gâteau en supprimant tous les intermédiaires (maison de disque, distributeur, agent…).
**Le téléchargement illégal équivaut-il vraiment à des pertes ?
On peut également se demander si les téléchargements illégaux représentent intégralement des ventes potentielles : on n’achèterait sans doute pas autant que l’on téléchargeait si le téléchargement illégal venait à soudainement disparaître. Effectivement, il y a fort à parier que de nombreuses musiques, films, etc. ne seraient jamais écoutées ou visionnés s’ils avaient été payants.
On peut ainsi citer une étude IPSOS récente, au sujet de la population des jeunes:
Quel est le manque à gagner provoqué par le téléchargement illégal ? S’ils n’avaient pas pu charger illégalement de morceaux de musique, les pirates français estiment qu’ils ne les auraient pas écoutés ; ou bien qu’ils auraient emprunté des CD à un ami pour les copier. Près de 25% déclarent toutefois qu’ils auraient acheté le CD en magasin, et 5% qu’ils auraient payé sur un site officiel.
Les pratiques du milieu de la jeunesse, dans lequel le téléchargement illégal de musique, de film, etc. est particulièrement répandu, constituent ainsi un contre-exemple sérieux à l’idée préconçue que le téléchargement illégal équivaut nécessairement à un manque à gagner.
**Populariser par la gratuité
On peut également avancer l’argument, très répandu mais très juste, que le téléchargement illégal est un vecteur publicitaire très important : ils permettent de populariser des morceaux de musique voire des films ou d’autres produits afin d’amener les consommateurs à faire des achats, par exemple en allant au cinéma, à un concert, ou en achetant le DVD musical, le jeu complet, voire un simple téléchargement payant s’ils apprécient la musique et souhaitent contribuer à la réussite de l’artiste. Ainsi, personne ne vient critiquer les grandes firmes de jeu vidéo lorsqu’elles offrent des périodes d’essai gratuits à leurs jeux pour leur faire acheter le jeu complet ; personne ne critique la distribution massive, officielle et légale de musique en streaming via YouTube, dont l’écoute gratuite et parfois “virale” permet à certains auteurs de se faire connaître. Des sites tels que FlashFlashRevolution, petit jeu de DDR en ligne, sont ouverts aux contributions d’artistes qui veulent faire connaître leurs chansons. Pourtant téléchargeables gratuitement, les pages de commentaires iTunes révèlent que leurs acheteurs sont ces mêmes joueurs qui auraient pu, en un clic, télécharger les mêmes morceaux gratuitement. Les deux différences entre ces pratiques et le téléchargement illégal sont le consentement et la légalité ; les conséquences paraissent relativement similaires… et bénéfiques.
On peut donc se demander si le téléchargement dit “illégal” n’est pas parfois avantageux pour les artistes, qui s’ouvrent souvent volontiers au téléchargement gratuit : c’est le cas des épisodes de South Park, disponibles gratuitement et légalement pour les consommateurs américains, et de nombreux groupes de musique, ainsi que de bon nombre de jeux vidéo dans le but d’accroître le chiffre d’affaire. Un exemple typique : les périodes d’essai dans les MMORPG. Une industrie de la musique gratuite est d’ailleurs en plein développement : c’est le cas de Spotify, Deezer, etc. qui permettent une écoute gratuite mais limitée d’une très vaste quantité de titres.
**Une concurrence différente, une diversité accrue
Au-delà de l’aspect économique, il ne faut pas oublier que le téléchargement a ouvert les portes d’un formidable hypermarché culturel, avec une offre bien plus diversifiée et complète qu’auparavant. Comme ils obéissent à une logique de rentabilité, les distributeurs et les cinémas proposent peu de films de production asiatique, latino-américaine ou africaine. Il en est de même pour la musique. Inversement, sur les sites de streaming en ligne, où le contenu est gratuit, la concurrence se fait différemment et permet d’ouvrir des horizons culturels bien plus diversifiés.
Pour une approche différente du problème du téléchargement
La réalité se révèle donc, dans une certaine mesure, être l’inverse de ce qu’on voudrait nous faire croire. Certes, les majors ne peuvent plus engranger des sommes folles sur le dos des artistes. D’accord, les tubes “supermarché” créés par ordinateur en 3 jours en traficant une voix (merci Autotune) avec des paroles qui se résument toutes en général à “dancefloor”, “dance” “party”, “tonight” (amusez vous à compter dans les chansons à la radio le nombre de fois qu’on entend ces mots… vous prendrez peur) rapportent moins. Parce que pour acquérir ces grandes productions artistiques les jeunes préfèrent télécharger, et ne vont pas acheter l’album. Oui, la vie est injuste, leur formidable travail ne sera pas récompensé à sa juste mesure. Mais dans tout acte politique il y a des dégâts collatéraux.
Au final, le téléchargement illégal a comme conséquence de détruire l’intermédiaire qu’est la maison de disque dans la production culturelle. Et nos pontes du libéralisme sont pourtant contre ce processus de destruction créatrice cher à Schumpeter. On ne peut en effet que déplorer la destruction de ce tissu d’emplois, mais d’autres se créent dans le secteur du webdesign et de l’audiovisuel en ligne, secteurs d’avenir.
On peut par ailleurs citer un autre effet pervers potentiel de la loi : en essayant d’entraver la liberté des internautes, des techniques de plus en plus poussées d’anonymat vont être développées, empêchant les “vrais” criminels (pédophile, djihadistes etc) d’être pistés par la police. De plus, afin de surfer hors contraintes, de plus en plus de personnes achètent un abonnement pour obtenir une adresse IP étrangère (on parle de VPN), accentuant le déficit de notre balance commerciale.
Internet a changé notre manière de vivre, mais pour une fois dans le bon sens. Alors pourquoi forcer le passage d’une loi qui profiterait à une extrême minorité de favorisés au détriment de tous? Pourquoi employer une méthode abandonnée presque partout et ne plus réfléchir à une taxe globale sur l’abonnement internet? Pourquoi, en fait, essayer d’empêcher la marche inéluctable du progrès?
Dans ce cadre, même si nous ne cautionnons pas le téléchargement illégal en soi — nous souhaitons qu’il soit légalisé ou mieux toléré, ou qu’une approche différente soit prise — nous vous proposons cet article pour vos besoins de musique gratuite et légale.
Quelques coquilles que je ne peux malheureusement pas corriger =/. Article sympa cependant,
Pour aller plus loin, il y a aussi le site réalisé par des élèves du master Communication l’an dernier sur [ la licence globale.->http://medialab.sciences-po.fr/controversies/2011/ecole_com/licence_globale/] qui reprend les arguments de chaque partie prenante au débat.
Excellent, je l’ajoute aux liens du PS.
Pour compléter la réflexion: Un article d’ OWNI plutôt bien foutu, sur la censure du réseau et ses effets pervers.
http://owni.fr/2011/10/13/la-belgique-filtre-ses-pirates/
defoi en se pause la question si y faut parelr avec vous ou pas ou si vous etes bete comme vos pied tout les telephone le font marche sans telephonne si tes parono faut avouer que sa rend plus service que de tour tu tes pris pour un grand chef d un cartelle colombia faut se reveiller la vie ces pas tout rose mais ces pas tout noir non plus
Très bon article de fond, et bien documenté.
Sinon on aurait aussi pu signaler les effets indésirables de la surprotection pour les défenseurs eux-mêmes, avec cet exemple répandu dans l’industrie du jeu vidéo où des personnes ayant légalement acquis leur exemplaire finisse par le modifier avec un patch illégal pour contourner l’encombrant système de vérification, là où les pirates ne sont pas gênés puisque le système n’est tout simplement pas implémenté dans la version crackée. On a ainsi l’étrange impression que les producteurs punissent leurs “bons clients” ou les incitent même à “changer de camp”.
J’oserai juste une petite critique sur l’un des derniers paragraphes où l’argumentaire sur une HADOPI favorisant le développement de techniques d’anonymat pour les pédophiles/djihadistes et accroissant le déficit de notre balance commerciale n’est pas très crédible et fait un peu “tâche” en conclusion. C’est un peu dommage de nuire au sérieux de l’ensemble pour cette seule fausse note.
Mais l’article est bon, on en redemande !
J’avoue que ce paragraphe est rigolo. x] Merci pour le commentaire !
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