Les jeux vidéo et leur utilisation politique
Ils sont partout : téléphones, ordinateurs bien sûr, consoles, première page du Monde… Les jeux vidéo sont désormais bien ancrés dans notre environnement. Et, comme toute chose récemment introduite en masse dans une société, les polémiques fusent : violence, sexisme, addiction et j’en passe, les approches possibles sont innombrables et permettent de rédiger un nombre sympathique d’essais.
Mais c’est une question plus concrète qui m’intéresse ici : celle de se demander si les jeux vidéo peuvent être utilisés à des buts politiques, et si oui, comment.
Par « utilisés à des buts politiques », j’entends susceptibles de faire changer les choses dans le sens prévu par les créateurs du jeu. Lorsqu’on se pose la question, il paraît invraisemblable qu’un simple jeu puisse avoir un quelconque impact sur les opinions des joueurs (GTA 5 ne banalise pas le car jacking, Assassin’s Creed ne vous fera pas poignarder celui qui vous bouscule dans la rue, etc). On retrouve alors l’argument classique utilisé par les défenseurs des jeux vidéo, celui de la dissociation bien établie entre la fiction et la réalité si toutefois les normes PEGI sont à peu près respectées.
Pourtant, pour qui veut faire passer une idée, une prise de conscience, les jeux vidéo semblent être le support d’excellence. Lorsqu’on joue, si le jeu est bon (coucou Bioshock Infinite) nos émotions sont constamment sollicitées, et n’importe quel membre de Sciences Polémique vous le dira, les émotions sont très pratiques pour persuader quelqu’un. Alors, en alliant un bon jeu à une prise de parti politique, les chances de succès semblent élevées.
Dans un jeu, les développeurs peuvent créer absolument tout ce qu’ils veulent, n’importe quel environnement, n’importe quelle situation est accessible, c’est pourquoi sans surprise, nombreux sont ceux qui ont voulu utiliser les jeux vidéo à des fins politiques.
L’exemple le plus récent est peut-être celui du jeu Choice : Texas, dont la campagne de fond lancée le 13 août 2013 a collectée 10 230 $ sur les 9 250 demandés en un mois. Le but de ce jeu est, selon les mots de ses créatrices, d’ « inviter les joueurs à découvrir les expériences vécues par d’autres » en se mettant dans la peau de cinq femmes souhaitant accéder à l’avortement mais étant limitées par les conditions d’avortement au Texas.
Evidemment, cette campagne a fait polémique, signe du succès de l’opération puisqu’alors même que les fonds n’étaient pas récoltés, le débat était lancé. Détail qui a ici sont importance, ce jeu est annoncé comme étant sérieux, la vocation première du jeu vidéo (l’amusement) étant donc tout simplement ignorée, soulevant par là les [critiques acerbes de certains journalistes.
Certains vont encore plus loin dans cet usage des jeux vidéo. C’est le cas du studio Molleindustria qui se présente ainsi : « Since 2003 we produced homeopathic remedies to the idiocy of mainstream entertainment in the form of free, short-form, online games” tous accessibles sans téléchargement ici.
Concrètement, ces mini jeux sont très bien pensés puisqu���ils proposent des niveaux de difficultés de plus en plus élevé et reposent sur des mécaniques simples, de quoi accrocher n’importe quel joueur. Seulement, le contenu dérange. Le jeu Pedopriest par exemple, qui dénonce la pédophilie au sein de l’Église, est glaçant d’ironie dans ses textes et son gameplay, puisqu’il revient au joueur de couvrir les actes de prêtres pédophiles face aux parents témoins et à la police.
Donc pas d’amusement ici mais plutôt une sorte de dégout qui s’installe en s’appuyant sur le détournement des fondements du jeu vidéo. Les thèmes abordés sont nombreux, allant des conditions de production des produits Apple (sorti sur iPhone, celui-là n’a pas duré plus de 7 heures sur l’App Store) au droit de porter une arme aux États-Unis. Le tout sous une forme similaire aux jeux Miniclip.
Le détournement des jeux vidéo pour faire passer un message est donc un moyen qui est déjà régulièrement employé, ce qui ne plaît pas à tous les gamers. Pour certains en effet, un jeu vidéo dont l’objectif final n’est pas la satisfaction du joueur n’a pas sa place dans le monde vidéo ludique. Personnellement je trouve cette critique infondée : les jeux vidéo proposent des expériences tellement diverses qu’il y a de la place pour toutes les utilisations possibles, politiques ou non. A chacun de se composer son parcours vidéoludique au gré de sa curiosité, et pour les plus intolérants, pas d’inquiétude, vous aurez votre Call of Duty annuel.
Enfin, pour conclure, un jeu n’a pas forcément à choisir entre amusement et message, les deux peuvent aller très bien ensemble. Un exemple ? Deus Ex : Human Hevolution, sorti en 2011, qui derrière les apparences d’un FPS futuriste met le joueur face aux limites d’une société où l’augmentation humaine est accessibles pour ceux disposés à se la payer (yeux plus performants, cerveau plus rapide…) Le tout avec une clarté qui n’a rien à envier aux meilleures conférences de la rue Saint Guillaume.
Bonus : l’excellente bande annonce du jeu