Le porno sort du placard
Génération Y ou génération Youporn?
Quand le porno change de nature: de la déviance à la pratique légitime
Les films pornographiques connaissent depuis leur apparition une utilisation qui bien que loin d’être marginale est majoritairement considérée comme déviante. De plus en plus nombreux cependant sont les signes que cette image d’occupation honteuse tend à s’effacer au profit de celle d’une activité intime, certes, mais socialement reconnue au même titre qu’une relation sexuelle classique dans nos sociétés occidentalesLe terme « sociétés occidentales » c’est super inexact et vachement tendancieux, mais qu’est ce que c’est pratique. .
Le vecteur de ce changement de statut semble être majoritairement Internet et cet article cherche à montrer comment, par le biais de différents exemples et de leur analyse, il favorise l’avènement d’une véritable ‘Fap culture’.
Bien évidemment étant donné que le visionnage de l’intégralité du matériel disponible sur Internet exigerait des nerfs d’acier, plusieurs dizaines d’années et 6 tonnes de kleenex, l’article ne prétend pas être exhaustif. En revanche il se veut un manifeste visant à repenser l’approche sociale classique vis à vis du film X , même s’il n’en n’encense pas béatement les éventuels bienfaits.
Disclaimer : Cet article ne cherche pas non plus à évaluer la moralité du porno. Objet social désormais incontournable, il mérite d’être étudié de manière décomplexée. Phénomène aux facettes multiples, qui implique la majorité de notre population adulte et probablement l’ensemble des 15-25 ans, il convient de ne pas le placer hâtivement dans un débat moral qui finit généralement par souligner le danger qu’il incarnerait pour l’innocence de la jeune génération et sa santé morale, comme c’est le cas pour de nombreux autres sujetsComme les Meuporgs par exemple. . Phénomène récent dont les effets ne sont pas encore totalement connu, il est cependant utile de s’attarder sur son impact sur les adolescents dans l’âge où ils construisent leur psychologie sexuelle.
Le Tag parfait : communauté, esthétique, valeurs
Le Tag parfait, c’est le nom d’un site internet qui se présente comme le magazine de la culture porn. Au menu, des articles sur les tendances du Net, des Interviews d’actrices/acteurs ou réalisatrices/réalisateurs, des critiques, et même un coin Fapeur où les meilleures vidéos sont sélectionnées pour vous…
Ce site est intéressant à plusieurs égards :
-* Il passe derrière la caméra et interviewe les protagonistes du Porno. Il met en avant leurs parcours personnels (et montre bien pour ceux qui en douteraient encore qu’être acteur/trice porno est majoritairement un choix de vie), leur demande de faire part de leurs impressions et de leurs préférences, bref souligne que le porno c’est avant tout fait par des humains et pour des humains, et que ce qui se passe à l’écran relève de la mise en scène et non d’une réalité à laquelle il faudrait coller.
– * Il analyse le porno en le prenant dans un contexte économique et social plus large. On citera en exemple un article sur l’avènement du .xxx et son efficacité relative, le porno et la culture japonaise, ou encore les applications mobiles. L’intérêt ? Tout ces sujets d’études qui découlent de la production et de la distribution de films X sont souvent occultés par le caractère sexuel de ces derniers qui décourage toute analyse sérieuse par les médias traditionnels.
-* Une catégorie du site propose des critiques de films qui soulignent différents éléments positifs ou non, dont l’atmosphère, l’esthétique, etc.. Face à la distribution massive et indifférenciée du porno sur la plupart des sites spécialisés, c’est prendre le parti de s’attacher à partager du matériel de qualité en argumentant ses décisions.
-* Il organise des soirée IRLIn Real Life, bref en vrai dans la vraie vie vraie. , et invite sa communauté à s’y rencontrer personnellement. C’est, quelque part, pousser à sortir de l’anonymat qu’Internet procure et qui a certainement été un facteur décisif de la généralisation de la pornographie en ligne. C’est donc franchir une étape supplémentaire dans notre changement d’approche du film pornographique.
Leur site (attention il faut avoir 18 ans pour entrer. Si tu es en 3A en Chine sache que si tu cliques sur ce lien tu vas sans doute devoir faire un rapport de stage sur le camp de travail dans le Désert de Gobie où tu finiras ton année d’échange).
Le porno comme œuvre caritative
C’est un fait, l’industrie pornographique génère trois à quatre milliards de dollars par an, ce qui n’est pas négligeable.
L’idée lancée en septembre dernier par le site italien Come4 est de récupérer une partie de ce chiffre d’affaire à des fins caritatives. Son concept est de créer un réseau social dont l’objet serait le visionnage de films à caractères pornographiques . Les revenus publicitaires générés par le site Internet seraient intégralement reversés à des organisations caritatives.
Au cœur de ce projet, une véritable dimension d’échange est donnée au Porno : l’utilisateur met en ligne ses vidéos, les partage avec les autres internautes, visionne les leurs et exprime son avis. Le porno est donc doublement décomplexé : on invite les participants à produire le leur, puis à se fournir publiquement dans les vidéothèques en ligne de chacun. Si ce projet aboutit on pourra alors envisager un véritable changement de nature dans l’éthique de la profession : le porno deviendrait utile, sa destination principale n’étant non plus de satisfaire le plaisir personnel d’un internaute anonyme mais au contraire de le faire participer à la résolution d’enjeux sociétaux. Cela consacrerait le glissement du film X d’une déviance à usage personnel vers un comportement collectif assumé et légitime.
Pour ceux que plus de détails intéressent, l’interview des créateurs est disponible à cette adresse.
Le porno alternatif, manifeste d’une sexualité repensée
Les clichés que le X véhicule sont aussi célèbres que son contenu lui même, et constituent sans doute un des traits les plus emblématiques de cette production cinématographique. Les livreurs de pizza, infirmières nymphomanes, cambrioleuses et mécaniciens munis d’imposants outils sont devenus des personnages qui peuplent les consciences collectives parfois au grand dam de certains. L’image du porno comme truc de mec, macho au possible, gorgé de testostérone et de claques sur la fesse n’est, il est vrai, pas imméritée.
A ce titre, l’exemple de la réalisatrice de films pornoEt non pas érotiques mais bels et bien porno, la précision est nécessaire suédoise Erika Lust est particulièrement intéressant car il illustre et explique l’essor actuel d’une catégorie de porno majoritairement destinée au public féminin.
« A mes yeux ça n’avait pas de sens que dans le porno nous ne soyons pas des femmes modernes, mais des adolescentes en chaleur, des baby-sitters maniaques du sexe, des femmes au foyer frustrées, des infirmières bonasses, des putes nymphomanes, toujours au service de mafieux, macs, dealer de drogue, multimillionnaires ou de machines sexuelles afro-américaines, toujours cherchant à procurer le plaisir plus qu’à en recevoir, toujours joyeusement surprises de tomber sur un pénis imposant derrière la braguette. Je me demandais : où était mon style de vie, mes valeurs, ma sexualité ? …] Je pense le porno comme un outil destiné à l’excitation, l’éducation, le plaisir. […] Les femmes sont des créatures holistes. Nous sommes excitées par les détails, les situations, les fantasmes, les allusions, le scénario. Le casting, la décoration, les vêtements et sous-vêtements, la musique, le script, la photographie, tout cela sont des éléments aussi importants les uns que les autres dans mes films »
Il semblerait donc que l’ouverture du porno à l’ensemble de la population ait aussi créé de nouveaux besoins et de nouvelles opportunités, conduisant à l’apparition de genres différents dont l’essence même constitue une alternative au porno ‘classique’.
Le [ site internet d’Erika Lust
Limites et polémiques de la Fap Culture
Ces limites comme on pourrait s’y attendre sont principalement d’ordre culturel. Si le monde occidental se caractérise depuis les années 60 par une sexualité libérée, d’autres régions du monde ne partagent pas ce changement de valeurs. Et comme ces régions du monde disposent aussi souvent d’outils informatiques permettant de s’assurer que ces valeurs restent intactes sur la toile, la pornographie peine à y percer. L’exemple par excellence est celui de la Chine, qui au moyen d’une série d’outils à l’efficacité redoutable censure le réseau en le purgeant de toute trace de film XEt de commentaires à caractères politiques, mais bon le porno c’est plus important hein.
L’autre limite est liée non au contenu sexuellement explicite du Porno mais aux valeurs qu’il véhicule de par les mises en scènes très particulières qu’il affectionne. Même s’il n’est intellectuellement pas honnête de faire le raccourci « les adolescents construisent leur psychologie sexuelle , les adolescents regardent du porno, donc les adolescents formatent leur psychologie sexuelle en fonction du porno » car c’est prendre l’adolescent pour un demeuré qui ne sait pas distinguer un film de la réalité, il n’en reste pas moins que cela a un impact dont l’intensité reste à évaluer. La majorité des films montrent encore des hommes au comportement dominant qui prennent ce qu’ils veulent comme ils le veulent, qu’il y ait ou non résistance de la part de la partenaire.
C’est, à mes yeux, le point véritablement problématique du X et je pense que des solutions à ce problème sont amorcées avec l’apparition de branches alternatives du Porno dont Erika Lust donne un exemple parmi beaucoup d’autres, le développement d’une véritable esthétique qui sanctionne autre chose que la simple accumulation de chair à l’écran, et enfin l’apparition de sites participatifs où des internautes ordinaires sont encouragés à produire leur propre matériel. L’essentiel est donc, plutôt que de bannir le porno qui a déjà envahi nos existences pour le meilleur et pour le pire, d’essayer d’en changer l’éthique.
Quand à ceux qui se plaignent que le porno est responsable de la diversification des pratiques sexuelles et est un danger pour la morale traditionnelle, je n’aurai qu’un mot :
Branleurs !
Ouais, enfin ce qui reste gênant avec les “solutions” d’un porno “alternatif” pour les femmes, c’est bien le principe même. Que ça ne soit pas le même pour les hommes, et que le porno “classique” continue à encourager, bien plus que déjà le comportement du “mâle dominant qui prend ce qu’il veut” que vous avez évoqué, l’image de la femme “stupide, expressive”, qui se met en 4 pour faire plaisir à l’autre et surtout, fait mine d’être submergée par l’action de l’autre, ce que l’homme ne fait jamais dans ce genre de film.
Prendre les ados pour des demeurés en exagérant l’impact sur les mentalités, peut-être. Mais qu’on ne me dise pas que, dans une moindre part certes, mais tout de même, ces pratiques ne persistent plus actuellement et que le porno n’aide en rien à renforcer ce qui traîne dans les esprits quand il ne fait que, clairement, renforcer ces attentes, ou du moins n’encourager en rien un changement de mentalité (déjà implanté par l’éducation même que l’on reçoit, les images publicitaires, enfin, à peu près tout le reste).
C’est certes gênant, notamment d’un point de vue féministe. Mais ce que cela montre, c’est que le porno évolue vers quelque chose de moins “masculin”, qui peut également être regardé par les femmes. Les femmes sont donc considérées comme un nouveau marché potentiel par certains producteurs de porno, ce qui pourrait témoigner d’une certaine évolution du regard que nous portons sur le porno. Celui-ci pourrait ne plus être vu comme uniquement/fortement masculin si le porno féminin venait à se développer.
PS : c’est moi ça.
Plutôt chouette cet article!
A propos du porno alternatif, je me permets de citer Emilie Jouvet (et ses potes Wendy Delorme, Judy Minx, etc.) qui font de très bonnes choses, pas uniquement destinées aux femmes et pas érotico-naïves pour un sous, mais plutôt orientées queer (carrément en fait).
Aussi, il y a un problème avec le renvoi aux notes de bas de page, on atterrit sur la page d’accueil en cliquant dessus.
Le porno génère plutôt 3-4 milliards par an que 100, ce chiffre est bien placé dans google mais c’est un bric à brac de chiffres qui n’a pas trop de sens, à commencer par les 30 milliards du soi-disant porno chinois, sachant qu’il est tout bonnement interdit la-bas. Cf, ce qu’on a écrit à propos de Come4 : http://www.letagparfait.com/2012/09/19/come4/
Gonzo
Merci, l’article a été édité avec votre chiffre.
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