Le Guide Pratique du Quantified Self
Est-ce que vous vous pesez régulièrement ? Que vous utilisez un podomètre ? Que vous racontez votre vie sur Facebook ? Que vous checkez compulsivement à combien de caractères vous en êtes dans votre essay ? Félicitations, vous êtes un adepte du Quantified Self en puissance !Premier article d’une série de deux sur la pratique du “Quantified Self”, qu’on peut traduire par “l’auto-quantification”, pratique consistant à mesurer à peu près tout ce qu’on est, fait ou ressent.Le Quantified Self (on va écrire ça QS parce que le mot “quantified” est super dur à taper du premier coup sur un clavier) c’est le fait de mesurer des trucs à propos de soi. Et la quantité de choses qu’on peut mesurer est tout simplement délirante : poids, taille (bon évidemment vous allez pas vous mesurer tous les jours, hein, bande de cinglés), calories ingérées, nombre de pas dans la journée, combien d’abdos vous avez fait avant de tomber dans le pot de nutella (pensez à mesurer votre cholestérol dans la foulée), heures de sommeil, qualité du sommeil, état de votre dépression nerveuse (si si), nombre de mots écrits pour votre thèse, etc.
Emmanuel Gadenne a rassemblé tous ces outils dans un Guide, paru chez FYP Editions et intitulé Le guide pratique du Quantified Self. Mieux gérer sa vie, sa santé, sa productivité.. Il est organisé de façon plutôt futée : une première partie qui vous explique le QS, d’où ça sort, à quoi ça sert, d’où viens-je, où vais-je, dans quel état j’erre. Dans une seconde partie, il propose une liste d’applis, sites et accessoires qui vous permettront de mesurer tout et n’importe quoi.
Est-ce que c’est cool, le Quantified Self ?
Honnêtement, c’est un peu flippant. Je me pèse une fois par semaine (sauf si j’ai un peu forcé sur les burgers, sinon c’est trop culpabilisant), et je poste suffisamment sur Facebook pour pouvoir remonter le cours de ma vie juste en relisant ma page (c’est beau ce que je raconte). En revanche, si un jour j’ai un gosse et que quelqu’un veut lui offrir le pyjama qui mesure en permanence son rythme cardiaque, sa température et son sommeil, ce sera over my dead body. Niet.
Médicalement, c’est intéressant et d’après l’auteur, de nombreux praticiens estiment que le QS pourrait être un moyen d’améliorer la santé des individus…
Il existe par exemple un accessoire pour les asthmatiques permettant d’enregistrer dans quelles circonstances ont lieu les crises (température, humidité, lieu, etc) : cela permet de voir s’il y a des situations plus propices aux crises . Même chose pour les outils qui mesurent le cholestérol, le rythme cardiaque, bref si on a des soucis de santé qui nécessitent un suivi régulier. Au lieu de décrire de façon approximative la situation au médecin, vous lui filez vos enregistrements et hop, il voit tout de suite que votre diabète empire chaque week end (pile quand vous allez manger chez votre maman et que vous faites votre provision de bouffe pour la semaine, c’est fou ça).
Il y a aussi des outils qui peuvent aider à la motivation : si vous avez un gros truc à rédiger, c’est rigolo de suivre combien de mots vous écrivez chaque jour, par exemple. En fait, c’est sûrement ce que vous faites déjà dans votre tête (savoir que le paper de 3000 mots est à rendre dans 10 jours, calculer que ça fait à peu près 300 mots par jour (et du coup décider que finalement vous commencerez à J-2, 1500 mots par jour, laaaarge)) mais là vous avez une trace de vos prouesses. De même, si vous êtes au régime et que vous faites une courbe avec votre poids, c’est toujours agréable de la voir descendre.
En fait, en y réfléchissant, tous les outils du Quantified Self sont plutôt utiles. Le problème c’est quand vous commencez à tout mesurer de façon compulsive. Un jour on mesure son tour de taille et le jour d’après on se retrouve à calculer à quelle vitesse nos cheveux poussent, et à comparer leur croissance à celle de nos ongles. On croit qu’on fait attention à sa ligne, et on finit en calculant combien de calories on consomme quand on se brosse les dents (ne pas oublier de faire le ratio calories apportées par le dentifrice/calories perdues dans l’effort du brossage de dents).
L’autre truc un peu malsain qui ressort de ce bouquin, c’est la tendance à vouloir partager ses résultats et mesures sur des sites participatifs (Twitter, Facebook ou sites dédiés). L’auteur fait toujours ressortir dans les témoignages quand le témoin ne souhaite pas partager ses données. Comme si c’était quelque chose de bizarre. Le monde a-t-il vraiment besoin/envie de savoir le taux de cholestérol de Jean-Pierre ? Que Marie-George a nagé 825 mètres la semaine dernière ? Que Robert a un taux de masse grasse trop important et que Ginette fait de l’apnée du sommeil ? JE NE CROIS PAS, NON.
Bon, je m’auto-quantifie alors ou bien ?
Si vous voulez vous auto-quantifier, il va donc falloir rester raisonnable. Si vous avez des troubles du comportement, je préfère prévenir, le QS confine légèrement à la démence. Sauf si vous êtes dépressif : il y a des outils pour mesurer quotidiennement votre humeur sur une échelle de 1 à 100, comme ça vous pouvez voir sur une longue période la courbe de votre humeur. Pas dit que ça vous guérisse, hein. Enfin moi je suis pas dépressive alors ce que j’en dis…
Si vous souhaitez vous mettre au QS, le Guide Pratique, malgré son sous-titre peu avenant qui ne choquerait pas dans un magazine féminin pour senior (“Mieux gérer sa vie, sa santé, sa productivité”, en l’occurrence), est une bible.
C’est clair, fourni, bien expliqué et plein d’idées et astuces. L’auteur pense à rappeler les mises en garde de base (restez raisonnable, ne partagez pas l’état de vos hémorroïdes sur votre skyblog, etc) mais surtout propose une foule d’outils pour pouvoir s’y mettre.