“Geek” n’équivaut pas à “No-Life”

Entre “geek” et “no-life”, la frontière est floue. Tellement floue que beaucoup de personnes se revendiquant “geek” ou ayant des pratiques de “geek” (surtout dans le jeu vidéo) sont ainsi assimilés à des “no-life”, dépourvus de vie sociale et sexuelle. Pourtant, les deux termes sont bien différents. Explication.Petite clarification sémantique au sujet d’une confusion de termes assez répandue.

Des synonymes ?

En général et tel qu’accepté dans le langage courant, c’est-à-dire au cours d’une discussion banale par exemple, le “geek” est vu comme une personne fondue de jeu vidéo, d’informatique voire de sciences. Pour cette même raison, il est vu comme socialement inepte, souvent dépourvu de “vie sociale” ou de “vie sexuelle”. On bascule alors dans l’idée du “no-life”. Le “geek” étant souvent défini par son amour des jeux vidéo, la plupart des gens établissent une équivalence directe entre “geek” et “no-life” du fait de l’addiction induite par les jeux vidéo.

Pourtant “geek” et “no-life” ne sont bien sûr pas synonymes.
-* Le geek est, d’après notre définition large du terme , une personne très investie dans le monde numérique, dans les jeux vidéo ou de rôle, dans l’informatique, dans les sciences ou encore la science-fiction.
-* Le no-life désigne simplement une personne qui n’a pas de vie sociale, c’est-à-dire qu’il interagit un minimum avec d’autres individus. En général, on ne l’utilise pas pour désigner des cas pathologiques mais pour des personnes dont l’addiction aux jeux vidéo, typiquement les meuporg, les prive d’une vie sociale développée.

A l’évidence, on voit que les termes désignent différentes personnes. A la limite, d’après une acception large du terme “geek”, on pourrait considérer qu’être un geek est une condition nécessaire pour être un no life.

La confusion entre les termes nait donc sans doutes d’une confusion initiale des liens logiques qui existent entre eux. Au détriment de la logique et du bon sens, le langage courant choisit la facilité, le raccourci, et en profite pour imposer un terme très péjoratif à des individus qui devraient en être épargnés.

Avoir une “vie sociale”

Mais la confusion va plus loin que ces liens logiques. En effet, nous avons expliqué plus haut que le “geek” peut être vu, d’après une définition large, comme une condition nécessaire pour être considéré comme “no-life”, notamment s’il joue beaucoup et préfère ganker Hogger plutôt que sortir de sa chambre. Cependant, même un geek qui joue intensivement à des jeux vidéos n’est pas nécessairement un no-life.

Le no-life est en effet défini par son manque de “vie sociale” du fait de son addiction aux jeux vidéo, surtout les MMORPG. Mais qu’est-ce qu’une “vie sociale”, exactement ?

Dans l’acception courante du terme — dans les conversations banales de la vie quotidienne — la “vie sociale” est vue strictement dans le cadre d’interactions “réelles” : passer du temps avec sa famille, sortir avec ses amis (importance du fait de “sortir”), rencontrer des gens voire avoir un travail, une occupation, une activité extra-scolaire…

Pourtant, la véritable définition d’une “vie sociale” serait plutôt toute interaction avec le reste de la société humaine, soit avec d’autres individus, quelque soit la nature de ces interactions. Or il ne faut pas croire que le jeu en ligne exclut toute interaction.
Dans les MMORPG par exemple, l’interaction sociale est extrêmement fréquente : la plupart des joueurs rejoignent des guildes pour discuter et jouer entre eux ; ils constituent des équipes pour envahir des “donjons” ; ils se mettent en équipe pour faire des match joueur contre joueur ; dans certains jeux comme World of Warcraft, ils doivent s’organiser en équipe de 10 ou 25 pour faire des “raids” réguliers, impliquant des liens relativement forts entre les membres et le plus souvent une communication par microphone. En ligne, on peut aussi s’inscrire à des forums de discussion, permettant de discuter d’à peu près n’importe quel sujet avec d’autres utilisateurs. Personne ne va prétendre que passer sa vie sur Facebook implique d’être un “no-life” ; c’est la même chose pour beaucoup d’activités en ligne.
Il est donc faux de considérer que jouer souvent en ligne équivaut à n’avoir aucune vie sociale. De véritables amitiés peuvent se construire, en ligne comme ailleurs, souvent dépourvues de la part de superficialité et d’opportunisme qui caractérisent beaucoup de nos “connaissances”.

Ne plus parler de “no-life”

A l’évidence, avec une définition aussi large du “no-life”, très peu de personnes sont effectivement concernées par ce terme. Au début de l’article, nous avons cependant choisi une définition non conventionnelle du terme no-life, à savoir quelqu’un dépourvu de vie sociale effective. Nous avons choisi cette définition parce qu’elle est logique sémantiquement : “no life”, “ne pas avoir de vie” devrait signifier l’absence de vie sociale, de quelque nature qu’elle soit.

En réalité, le “no-life” désigne une personne qui n’a pas de vie sociale dans la sphère réelle du fait de son addiction aux jeux vidéos. La vie sociale en ligne est donc ignorée dan la vision commune du terme.

Cette définition est ainsi en total décalage avec ce que devrait véritablement signifier le terme “no-life”, c’est-à-dire un comportement quasi-pathologique, hyper introverti et avec peu d’interactions sociales, dans la sphère réelle comme dans la sphère virtuelle. Parler de “no-life” alors que la vie sociale existe effectivement en ligne est une contradiction directe.

Voici pourquoi je vous invite à ne plus utiliser le terme “no-life” et surtout à ne pas le confondre avec le mot “geek”. Au lieu de l’usage abusif du mot “no-life”, on peut par exemple parler d’un “addict” pour reprendre le terme anglais, bien plus pertinent que l’idée de “ne pas avoir de vie sociale]”.


  1. lilytu dit :

    Le “geek” serait un “no life” s’il n’usait et n’abusait pas de Mumble ou Team Speak pour ne citer qu’eux.

    1. Konrad dit :

      Justement, le but de cet article et de montrer que cela n’est pas nécessairement le cas.

      D’abord, le but est de montrer que l’utilisation commune de “no-life” est abusive dans le sens qu’elle n’inclut pas les interactions sociales à l’intérieur du jeu. Le no-life, sémantiquement parlant, cela devrait être un cas quasi-pathologique et introverti, excluant même les relations sociales à l’intérieur du jeu.

      Mais si on en vient à l’acception commune du no-life (absence de vie sociale “réelle”), le vie est loin d’être nécessairement un no-life. D’une part les geeks peuvent jouer entre eux (amis IRL), ils peuvent se rencontrer IRL (“rencontres geeks”) et ne passent pas nécessairement leur temps sur leur ordinateur ou à jouer. Ils ont très souvent une vie sociale, une vie sexuelle, peuvent être bon à l’école, avoir des amis, etc. Le jeu, l’informatique et autres sont une occupation qui ne leur prend pas nécessairement tout leur temps si l’on accepte une définition élargie du “geek” (cf. article sur la Culture Geek). Jouer à un jeu vidéo, c’est à peu près comme lire un livre : personnellement je trouve cette première activité bien plus ludique que cette dernière dans la plupart des cas, mais l’utilisation du temps est la même et le degré de “sociabilité” est le même dans la sphère réelle.

      Par conséquent, un geek n’est pas nécessairement un no-life non parce qu’il utilise Teamspeak, Mumble, forums, etc. mais simplement parce qu’il ne dédie pas nécessairement le temps nécessaire pour n’avoir aucune “vie sociale” à côté. Avoir une passion, voire un simple intérêt, n’équivaut pas à la suppression de sa vie sociale IRL voire à une réduction significative de celle-ci.

      1. lilytu dit :

        je suis tout à fait d’accord avec toi, je voulais simplement noter que la vie sociale n’est pas, comme tu le dis, simplement IRL. Il n’y a pas que FB pour socialiser autrement que IRL, il existe d’autres moyens que les gens (qui ont une “vie sociale traditionnelle”) ne connaissent même pas.

  2. Anonyme dit :

    Test de message

  3. Korel dit :

    A mon avis, aujourd’hui, si on tend autant (je dirais peut-être même plus, à voir) à classer le geek jouant souvent aux jeux vidéo à un nolife, c’est peut-être un peu parce qu’à l’inverse le terme “geek” tend à se banaliser. Personnellement, j’ai déjà entendu une pauvre fille lâcher “Han j’ai passé ma soirée sur internet (= facebook…), je suis trop une geek !”… Forcément, si devenir “geek” signifie se mettre à jour dans sa vie et profiter des nouvelles technologies, on peut difficilement distinguer ceux qui étaient dans les “origines” et qui incluaient tout de même un paquet d’autres choses… Je dis pas ça pour appeler à une reconquête du terme ou pour proposer une radicalisation du mouvement originel geek (quoique, il y a du potentiel…), mais juste pour soumettre une piste d’explication sur “pourquoi ces connards de casuals nous prennent pour des putains de nolifes ?”.

    1. Konrad dit :

      Le terme “geek” se banalise clairement, comme si n’importe quelle activité en ligne pendant quelques heures équivalait à être “geeky” ! Tu penses donc qu’il est possible que la confusion soit dû à cet élargissement de la notion de “geek”, et que par conséquent “no-life” est utilisé pour décrire ce qui était autrefois le “geek” ?

      Je ne sais pas. Il faudrait aller voir l’usage historique des mots, et franchement j’ai la flemme, mais cela peut être une partie de l’explication.

  4. Laura dit :

    Qu’en est-il du nerd?

    1. Konrad dit :

      C’est un autre sujet. Le “nerd” est moins connu que le “no-life” donc j’ai préféré ne pas insister.

  5. Concombre dit :

    Mauvaise définition du nolife, qui se cantonne au problème des mmorpg, qui est pourtant récent.
    Tu veux éviter les généralités, mais résultat, tu te perds dans une trop grande précision.
    C’est dommage, l’idée est bonne.

    1. Konrad dit :

      J’essaye d’utiliser la définition courante du nolife ; tu remarqueras qu’on n’en parle exclusivement que dans le cas des MMORPG. Je n’exclus pas que le terme soit utilisé ailleurs ; j’insiste également sur les MMORPG parce que c’est le terrain que je connais le mieux. Je ne pense pas que la différence entre la définition que j’utilise et celle que tu sembles proposer change le fond de l’article.

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