[Mème] Hot Problems — Double Take
La nouvelle “pire vidéo de l’année” vient de sortir : Hot Problems de Double Take. Analyse du phénomène.Le 15 avril 2012, un évènement majeur s’est produit sur internet : la publication d’une vidéo d’ores et déjà qualifiée de “pire chanson de l’année 2012”, dont la version officielle comptabilise après une semaine près de 5 millions de vues sur youtube et plus de 250 000 votes négatifs.
Hot Problems, de Double Take, est une vidéo qui met en scène deux adolescentes dans une limousine. Ces dernières s’y trémoussent tout en parlant de leur difficile condition de jolies filles. On y apprend entre autres que ces Hot Girls, à ne pas traduire en Filles Chaudes, sont comme les autres et que leur vie est un réel combat.
Pourquoi ce buzz ?
Les raisons ayant poussées la communauté internet à exécrer cette vidéo à ce point sont le fruit de plusieurs facteurs.
En premier lieu, le fait que cette vidéo en elle-même ne contienne que deux scènes, une dans la limousine et une où l’on a l’impression de voir à travers la vitre une rue américaine de nuit, mais bien éclairée, ce qui témoigne de moyens techniques peu avancés. Le problème est en fait que ce manque d’élaboration ne correspond pas à la supposée prétention des filles voulant étaler leur beauté sur le net dans le style de l’Attention Whore A ne pas confondre avec l’Attention Horn].
Ce qui est revanche plus clair dans la propagation à la limite du viral de cette vidéo est l’attitude des deux protagonistes. Elles se trémoussent, font des clins d’oeil suggestifs, et on devine qu’elles représentent parfaitement le stéréotype même de la fille américaine gâtée pourrie jusqu’à la moelle usant de sa beauté pour se sentir valorisée dans ses relatons sociales. On remarque de plus la présence ostentatoire de bijoux, de maquillage et de coiffure correspondant au stéréotype de la fille objet se voulant femme; ce qui rend ces chanteuses profondément antipathiques au premier abord.
Pour ne rien arranger, leurs voix sont particulièrement monotones et ne sont pas en rythme avec l’instru, qui est au passage d’assez bonne qualité par rapport au reste de la chanson. Par exemple, lors de l’écoute de la vidéo, on remarque que la façon dont la fille aux yeux bruns prend la parole aux alentours de 0:26 secondes ne correspond pas du tout à la préparation instrumentale.
Attention aux jugements hâtifs
Comme on le sait, internet est une caverne à trolls ainsi qu’une tribune pour tous les handicapés sociaux refoulés. Il est donc de rigueur de se méfier de la tendance qui est de qualifier tout ce qui sort un peu du lot comme forcément nul, ou encore inciter leurs auteurs à se jeter d’une falaise. La jalousie, la frustration, ou encore le simple fait de suivre la tendance du moment peut pousser les internautes à faire appel à leurs instincts les plus bas, eux-mêmes qui se considèrent habituellement comme intellectuellement supérieurs au reste de la population.
Si l’on procède en effet à une écoute attentive, on remarque que le sarcasme est utilisé par les Double Take, notamment à 0:35 de la vidéo :
“They see my blond hair, blue eyes and class, but they don’t know I have a very big heart“. Or, “class” ne rime pas avec “heart“, alors que le mot anglais désignant le postérieur oui. On est donc en droit de penser que cette phrase est à vocation ironique… Cet exemple peut être contré par la déclaration à la toute fin de la vidéo “We’re kidding, we’re perfect”, mais je vous laisse libre de juger du niveau d’ironie des deux jeunes filles.
Les paroles témoignent du fait que cette chanson est avant tout un réquisitoire allant à l’encontre des stéréotypes entourant les personnes au physique avantageux, tels que leur présence superficielle aux évènements sociaux, leur manque d’intelligence, leur futilité, la facilité de leur vie … Leur cause est donc de présenter le combat des jolies filles dans leur vie de tout les jours et de se battre contre les stéréotypes qui les entourent, qu’ils soient positifs ou négatifs. Cela peut se comprendre par leur envie de se mêler à la population, d’être normal et aimé pour ce qu’elles sont, non pour ce qu’elles ont physiquement.
La vérité autour du phénomène Double Take
En premier lieu, appelons déjà les deux protagonistes par leurs noms pour les humaniser un peu plus : Drew Garrett et Lauren Willey. A la suite de la diffusion de leur vidéo, ces dernières se sont faites interviewer par Abby Boudreau dans le célèbre Good Morning America. Elles y déclarent être conscientes du fait de ne pas réellement savoir chanter et d’avoir produit la vidéo dans le but de divertir leurs amis. Elles y avouent ne pas se trouver Hot du tout et avoir agi par pure ironie et sans volonté de se faire connaître.
Ce qu’elles disent dans cette interview ne regarde qu’elles, mais j’ai personnellement du mal à croire à leur volonté de ne pas s’afficher sur YouTube. Si elles avaient réellement voulu ne pas partager leur production à un cercle trop élargi, elles auraient pu la garder dans un cadre privé. Cependant, je peux comprendre le fait que le phénomène leur ait échappé et que les vues se soient emballées, leur donnant une célébrité dont elles se seraient bien passées.
Le plus choquant dans cette histoire n’est pas la performance musicale réalisée autour des deux adolescentes. La vérité est qu’internet, comme tout communauté d’hommes, se construit autour du conflit. Un ennemi commun étant la meilleure manière de se structurer, les internautes, en tant que communauté, chercheront toujours de nouveaux boucs émissaires à conspuer collectivement. Double Take, comme Justin Bieber et Rebecca Black, constituent en effet la cible idéale : blanc, riche, nord-américain, jeune. L’anonymat et l’effet de groupe aidant, les plus bas instincts humains se manifestent à travers internet, pouvant avoir un effet destructeur sur tout ce qui sortirait du lot de ce qui est communément admis par la majorité tyrannique.
Point de vue intéressant : j’aime bien l’analyse du “bouc émissaire virtuel”.
Mais même s’il est facile de critiquer derrière un ordi, à l’unisson avec la communauté des internautes, il faut bien avouer que ce clip, comme celui de Rebecca, est de très mauvaise qualité.
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